Non, je ne recherche pas la beauté

La perception de l’esprit

Notre esprit n’est ni une chose définissable, ni saisissable. Il entre en action dès qu’il perçoit un objet. Et cela se produit à une vitesse incroyable et imperceptible. Ce que nous voyons est une concaténation d’instants successifs comme le ferait une caméra de cinéma.

Ce qui me fascine dans la photographie, c’est la capacité de capturer un dharma (phénomène) en un instant et de le figer dans une fraction de seconde. Un appareil photo peut capturer ce moment unique et rendre visible la partie la plus infinitésimale de ce que l’esprit peut saisir.

Un moment unique

Une photo nous montre l’impermanence, un moment insaisissable, une illusion parmi tant d’autres. Est-ce l’envie de saisir cette impermanence ou une résistance à celle-ci qui m’anime ? Je pense que c’est la satisfaction de capturer un moment unique, de le rendre visible et d’ensuite le laisser vivre par lui-même. Dire non à l’impermanence pour un moment, même si ce n’est qu’une illusion.

Ce que nous percevons d’une photo est unique, tout comme chaque moment de la vie, chaque respiration, chaque battement de cœur sont uniques. Rendre visible l’intangible. Rendre visible l’invisible. Comme Matsuo Bassho ( 1644 – 1694 ) a su l’exprimer de manière poétique dans le célèbre haïku de la grenouille qui plonge dans l’étang. Pour ce faire; il n’a eu besoin d’aucune aide technologique. Une simple feuille de papier et un crayon lui ont suffi pour rendre hommage à la grenouille.

La photographie et la méditation

Mais en fin de compte, c’est l’acte lui-même, le moment de la capture qui me rend heureuse. Un moment d’abandon total à l’observation. Non, je ne recherche pas la beauté, car pour moi la photographie, est un moment de lâcher prise où je ne fais plus qu’un avec les choses. Ne faire plus qu’un avec le sujet, sans aucune autre intention. Comme zazen ( méditation zen ), c’est une pratique de totale présence et de se défaire du lest de la recherche de la reconnaissance, du succès…

Cela me donne la liberté d’être pleinement dans le moment présent et d’être dans l’expérience directe des choses, sans plus. En ce sens, l’art et le zazen sont liés (= méditation sans objet) et le zazen (méditation zen) m’apporte un précieux éclairage sur la pratique de l’art.